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 Chapitre 2

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MessageSujet: Chapitre 2   Chapitre 2 Icon_minitimeJanvier 27th 2009, 17:06

Chapitre 2 - Le Cri de la Bête.

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Dans la matinée, Sanderus téléphone à Bollens pour raconter sa soirée. Ils conviennent de se rendre au même bistrot cet après-midi.

Jef s’intéressait au Parc royal, Sanderus reprit son exposé, «Charles de Loraine, franc-maçon notoire, ne fit pas que couvrir les façades de la Grand Place d’inscriptions alchimiques ésotériques, il a dirigé l’édification du Parc et lui donna la forme d’une truelle de maçon. Qu’as-tu découvert ? » Bollens avait retrouvé dans ses notes une filature qui s’était terminée dans le Parc Royal. Les malfrats entourés de toutes parts, les grilles cernées par une escouade de policiers avaient disparus. Malgré une fouille minutieuse des buissons, ils n’ont jamais été capturés.

« Tu comprends Jacques, je ne peux vérifier l’hypothèse du Parc et en même temps explorer la salle souterraine des Beaux-Arts. » Sanderus songeait à répliquer que Bollens lui-même s’était fixé ces tâches, mais il n’en fit rien pour ne pas distraire ce passionné.

« L’historien Desmarets parle d’une statue élégiaque érigée dans la partie basse du Parc, située au sud-ouest, à proximité du Palais des Académies, qui à l’époque de l’occupation hollandaise était la somptueuse demeure du Prince d’Orange, le fils du roi de Hollande, Guillaume Ier. La rumeur publique prétendit que le Prince amouraché d’une jeune habitante de la ville, utilisait un passage secret pour rejoindre celle qu’il aimait, il l’a d’ailleurs épousée.

Depuis l’arrestation manquée de tes brigands, cet endroit du Parc est interdit au public, parce que disent les officiels, la statue offense les bonnes mœurs. Un journaliste a fait observer que le bas-relief représentait une femme enveloppée d’un péplum d’airain, plus chaste que la plupart des sculptures de la Ville. Alors, on a lâché le maître mot démocratique, en réalité l’accès à ce vallon est supprimé pour des raisons de sécurité. Le mur de soutènement du Parc pourrait s’effondrer sur un visiteur imprudent. Mais depuis vingt ans on attend la catastrophe pour réparer le mur. Rien que cela aurait suffit à motiver Jacques Sanderus. Il y avait là un mystère qu’il voulait éclaircir, il remettrait l’exploration des caves de sa maison à plus tard, tandis que Bollens retournerait aux Beaux-Arts sur la piste des sept disparus.



Le commissaire s’est bien préparé, il a acheté plusieurs lampes et des piles de rechange, il a huilé son automatique et emporté un trousseau de clé qu’un suspect a égaré au commissariat et que personne n’a enregistré. Il attendit la fermeture des grilles pour éviter d’être aperçu par un quidam promenant son chien, sous l’œil soupçonneux d’un gardien. Il enjambe la barrière et emprunte un sentier qui descend au fond du vallon. Les lumières de la ville, éclairent les feuilles des arbres centenaires et plongent la base des murs dans l’obscurité. Le chemin atteint une charmille qui protège la grotte défendue, effectivement un bas-relief apposé sur la paroi artificielle représente une femme qui jaillit du bronze et porte une main sur son cœur. La tête l’épaule et le bras ont été sculptés. Le rayon lumineux de la lampe dessine une étroite ouverture entre la manche et le bras.

Sanderus réfléchit longuement, puis, il saisit la fine main de bronze et la tire vers le bas du monument. Le bras s’abaisse sans effort et la plaque de métal tout entière s’ouvre en pivotant sur des charnières bien huilées. Sanderus avale une bouffée d’air avant de s‘introduire dans la partie cachée de la grotte. A six ou sept mètres sous les pavés de la voirie, le souterrain oblique effectivement vers l’ex-palais du Prince d’Orange, mais le couloir de pierre se divise en deux directions, notre explorateur choisit le boyau qui va vers le Sud-Ouest.

Sanderus ne comprenait pas que les importants travaux entrepris au dix-neuvième siècle pour supprimer les remparts n’aient pas mis à jour ce souterrain ainsi qu’au vingtième la construction du métro et des tunnels routiers de ceinture, mais le souterrain bifurque. La boussole indique qu’il suit une route parallèle aux grands boulevards et se dirige vers la tour de la Porte de Hal, un rare bâtiment médiéval qui subsiste encore bien que fort défiguré par une reconstitution à la Violet-Leduc.

Le sol du souterrain a été construit avec de larges dalles de pierres bleues recouvertes de sable jaune.

La forte lampe du commissaire révèle des racines qui ont percé la voûte, décolorées ou desséchées pour les arbres morts ou disparus. Il lui semblait marcher depuis des heures, sa montre indiquait qu’il y avait quarante minutes qu’il errait dans ce boyau rectiligne. L’air respirable et frais suggérait une ventilation régulière. La lampe se fixe au loin sur une porte entrouverte. En approchant son cœur sursaute, il croit apercevoir un homme debout derrière le battant. Un mannequin de cire dont les yeux de verre scintillent en renvoyant la lumière de la lampe. Cet épouvantail au visage figé, se drape dans un manteau de laine en patchwork multicolore, la tête couverte par un bonnet de police, d’artilleur, d’avant quatorze. Le souterrain s’élargissait pour former une petite chambre oblongue aux murs revêtus de papiers peints disparates arrachés à un catalogue. Une vitrine basse proposait des médailles ternies sur du velours défraîchi, ensuite venaient trois pièces en enfilade remplies de ferrailles ou de monceaux de loques. L’une d’elles se garnissait d’un sous-verre de grande taille qui affirmait en lettres d’or : « Local du Serment des arbalétriers compagnie de G. De Walhelm. » Dans une autre, un matelas sur une table avec un mannequin emmitouflé.

Sanderus, quelque cent mètres plus loin s’arrête devant un éboulement qui ne lui laisse aucune chance de continuer son exploration par cette voie. Sous les pierres et les gravats la carcasse d’une brouette moderne indiquait que cet accident était relativement récent, probablement lors de la construction du parking Saint-Pierre. Il ne restait plus au commissaire qu’à refaire tout son déplacement dans l’autre sens. Arrivé dans la seconde pièce, il entreprit de placer des piles neuves dans sa lampe, dans l’opération, il lâche une pile usagée qui tombe avec un bruit sourd sur les dalles de pierre.

Alors le mannequin de chiffons étendu sur la table s’est redressé : « C’est gentil de me rendre visite. Mais qui êtes-vous ? Et par où avez-vous passé ? »

L’apparition avait frappé de stupeur notre commissaire. L’homme craqua une allumette, une lueur bleuâtre éclaire une large barbe rousse. La mèche enflammée, la lampe à huile fut remontée au plafond. Le barbu vêtu d’un justaucorps de laine présentait un faciès léonin, sa barbe rousse et brune aux commissures des lèvres et sa longue chevelure bouclée d’un rouge ardent le rendait effrayant, mais son masque débonnaire incitait à la conversation. Il prétendit se nommer Giovanni, sans travail, sans domicile, il dormait dans le hall des gares quand il ne trouvait pas de place dans les asiles de nuit.

Il courait d’un organisme à l’autre pour assurer sa subsistance et obtenir une douche chaude, parfois, il pionçait, comme il disait, à la belle étoile, se réchauffant à l’alcool pour résister aux gelées tardives.

A ce régime, devenu alcoolique dépendant, renversé, une nuit par une voiture il fut amené à l’hôpital Saint-Pierre, trépané et longtemps maintenu sous anesthésie.

« Les toubibs m’avaient à la bonne, ils me gardaient après mon rétablissement. Je brossais les couloirs et je lavais la vaisselle, mais quand ils ont reconstruit l’hôpital, j’ai été viré, vite fait par un salaud d’économe. Je ne buvais plus, j’ai cherché une crèche, pour becqueter j'ai mes entrées chez les salutistes et les laïques. On venait de créer le parking géant de la porte de Hal. Mine de rien, j’ai été voir. Y's' ont fabriqué des petites maisons pour protéger les ascenseurs et des caméras pour chasser les mecs comme moi. Avec tous leurs ouvriers je passe inaperçu. Ils s’engueulaient tous, ce jour là, ils avaient découvert que l’étage moins 5 se remplissait d’eau. Au moins 4, un autre pépin. Pour retourner à la surface, deux possibilités, les ascenseurs et les escaliers. Les clients qui abandonnent leur voiture à –4, prennent toujours l’ascenseur. J’étais tranquille à ce niveau, qui dispose de toilettes avec des lavabos à l’eau courante. Derrière, une porte donne sur un débarras à chaque étage. Au –4; ils avaient récupéré un bout de mur ancien qui s’est écroulé, alors j’ai dégagé un passage et depuis cinq ans, je vis ici. »

Fatigué, Sanderus espérait utiliser cette voie pour revenir à son domicile mais l’homme s’y opposait fermement. « Si je vous montre la sortie, demain j’aurai des dizaines de Sdf sales et voleurs qui occuperont mon logis.

Vous êtes commissaire m’avez-vous dit et vous êtes courageux, je vais vous indiquer une sortie rapide, mais vous devrez éviter la bête « préristorique » qui garde les lieux. Je l’ai appelée Cerbère comme le chien des Enfers. Parfois je l’entends qui halète, qui souffle. Elle est bien trop grosse pour entrer dans le souterrain, mais je suis terrifié, mon crâne me fait souffrir d’atroces migraines, alors je fume un joint et je ne l’entends plus crier. » Et pour justifier ses paroles, il retire la petite calotte noire qui coiffe son crâne dénudé. Sanderus réprime un mouvement de dégoût, sous la peau chauve on voyait battre une grosse artère. Il laisse le troglodyte à ses fantasmes. " Si vous voulez me joindre, dit l’homme, je suis tous les jeudis à l’Armée du Salut." Il parlait tout à coup avec l’aisance d’un homme du monde et paraissait sincèrement navré de perdre un auditeur attentif.

Sur le conseil de Giovanni, Sanderus a rechargé ses lampes et spécialement celle qui permet de varier la distance focale et dont le rayon étroit illumine un petit disque à plus de trente mètres. Giovanni le conduisit en se dandinant sur ses chaussons tricotés à l’endroit où une faille non repérée à l’aller, s’ouvrait sur une galerie latérale. En se retournant le commissaire vit disparaître dans le noir les pantalons roses du bonhomme qui avait du les ramasser chez un fripier. Le souterrain plus sinueux que le précédent était saupoudré de sable argileux. Tout à coup, il entendit le râle intermittent que craignait Giovanni. Une caisse de résonance amplifiait le brame lugubre. Incrédule, il avait écouté le bonhomme, maintenant il commençait à croire à l’existence d’un monstre. Par instant, tout redevenait tranquille, le bruit de ses pas, étouffé par le sable, il sortit du souterrain. Il sentit le vide autour de lui. Sa lampe à longue portée éclairait à trente mètres une courbe, le ventre de la bête.

Le tumulte de sa respiration était hallucinant. Puis il se mit à rire, délivré de ses angoisses, la lampe traçait dans l’obscurité une voûte de briques roses qui formait un arc, une courbe parfaite de plus de trente mètres de rayon. Personne n’avait pu réaliser un tel prodige dans le passé. Il se trouvait sous le ventre du monstre de Poelaert, le Palais de Justice. La rumeur qui se développe dans cette grotte artificielle provient de la vie extérieure, toutes les cinq minutes, un grondement faisait vibrer le sol, dans un souterrain parallèle une rame de métro circulait. Le glissement des voitures décroissait, la nuit s’avançait.

L’architecte avait rasé les masures du plateau et creuser celui-ci pour créer des piliers solides, mais en se rapprochant du niveau de la vallée, il atterrit sur les ruisseaux des marais, alors, il avait relié ses piliers par des arcs en plein cintre. Comment Sanderus pouvait-il espérer retrouver un passage ? Sa lampe découvrit un sentier qui remontait la bute de sable accumulé sous l’arc, plus loin on voyait nettement des marches de pierres à demi enfouies sous le limon, qui s’élançaient à l’assaut de la pente.

Il approchait d’un pilier, il distinguait maintenant une ouverture fermée par une porte peinte du vert foncé de l’administration.

Un bec de corbin ouvrit sans problème, le retour à la Ville. Il franchit des couloirs, des chambres remplies de caisses, de paille, de copeaux. Il gravit des escaliers. Les étages se succédaient sans qu’il puisse reconnaître un endroit familier. Il commençait à s’inquiéter, lorsqu’il parvint à l’étage des cellules. Au bout de la rangée un homme vêtu d’une chemise bleue à épaulettes, le képi sur la tête écrivait avec un porte plume dans un registre.

« Bonne nuit » fit d’une voix machinale le commissaire, l’homme tronc derrière le guichet répondit « Il va faire jour », sans lever les yeux.

D’interminables escaliers de marbre ont conduit Sanderus dans la salle des pas perdus. Tout là haut dans la coupole à des dizaines de mètres quatre lampes puissantes projetaient des rais de lumière sur les dalles du pavement.

La porte de bronze était entrouverte, dans l’entrebâillement le concierge prenait le frais.

« Bonsoir Joachim « dit Sanderus ravi de retrouver un visage connu. « Bonsoir, Monsieur le commissaire ». Sanderus s’arrêta en haut des marches, il regardait le ciel qui se colorait de rose et de jaune, de plats nuages d’encre survolaient la ville.

Il respirait avec délice l’air glacé.

Il descendit les marches de pierre et s’approchant de la balustrade qui permet aux touristes d’admirer le panorama, il vit la ville basse d’où sortaient comme des aiguilles les tours noires des églises. L’éclairage public faisait jaillir ici et là l’éclat verdoyant d’un parc ou un morceau de rue déserte.

Un seul taxi attendait, il se fit reconduire chez lui.
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